alain lestié

Période noire


                 
     -volte face


L'utilisation de crayons "Neros", mélange de suies et d'argile, permettant aussi bien des surfaces profondément noires, des gris très légers et des transparences, met en place des plages quasi-picturales, sorte d'imitation du peint qui définit des "œuvres sur papier" autonomes, peintures au crayon, dessins de peintures.

Projet particulier adapté à la feuille et au noir et blanc, contrecoup d'un monde bigarré, le papier tient en lui-même les propriétés inhérentes à l'image, à sa matérialité, entre fragilité et intimité, entre information et méditation, entre effacement et endurance, espace de sa complétude et de sa disparition. La monochromie oblige une instance supplémentaire dans l'échelle de l'imaginaire, quand privé des artifices picturaux, le simulacre n'illusionne plus mais atteste de l'illusion à la manière d'un écho. Rien ne se récolte des procédés techniques, ni de l'immanence de matières: la notion de métaphore avalise le simulacre, l'illusion, et relance encore l'apostrophe de son rôle.
D'un référent-peinture perdu, les œuvres en retrouvent d'autres, et s'avancent en illustration d'un tableau imaginaire, dématérialisé (sans matière picturale), comme une sorte de photographie ou de reproduction, image d'image.

D'où ce qui a pu être sur papier ne peut plus être peint, situant exactement la place du dessin: ni avant (préparatoire), ni autour (études), ni derrière (variantes) les peintures, il s'inscrit ensuite, tableau après les tableaux. L'image sur papier se figure elle-même et rend compte d'un état autre d'une même réflexion, d'une même situation, face à la même histoire. Travail de dérives, oublieux des techniques, sans autre devoir que celui de la valeur propre de son sens. Et à partir de ces nouvelles données va s'organiser un parcours de détachement de la figure, déprise de son récit, abandon de sa description. Sous cet effacement, littéralement exécuté à la gomme, sourd la structure de ce que fut l'image, retravaillée pour en dire l'empreinte au présent, l'essence de sa perte. Reste le commentaire d'un objet imaginaire, hypothétique image, qui ne subsiste désormais plus que comme supposition.
Inclure la théorisation des moyens, leçon apprise de la modernité, renvoie le dérisoire de toute mise en œuvre espérant contourner la réalité d'une défaillance de la représentation comme relation au monde.

Cet "après peinture" caractériserait l'axe d'une démarche projetant une réflexion à partir de la représentation, comme rupture de l'enfermement d'une pensée dans une pratique définie, en un détournement de toute définition technique. De ce constat, une position critique implique une désobéissance à une histoire trop pré-vue, pour une possible dignité.

(présentation de l'exposition mot à mot : Galerie-Librairie "ombres Blanches" Toulouse )
   

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