Présentation de l'exposition "à demi-mots" par Marc Bélit
centre d'art contemporain "Le Parvis 3" Pau
rhétorique (56 x 76 cm)
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Voilà une série de
dessins d’Alain Lestié qui approfondissent une démarche
entreprise depuis longtemps en lui donnant soudain une
nouvelle cohérence, une sorte de légèreté dans une
reprise de thèmes traités déjà en peinture mais qui sont
ici comme rendus par le dessin à la grâce de l’écriture
manifestant par là que cette entreprise peut se lire au
moins en deux sens : peinture/écriture.
En effet dans ces derniers travaux, Alain Lestié consent à « nommer » ses dessins et à leur donner ainsi une destination où il est question d’espace, de temps, d’évènements mais aussi de sentences, d’aphorismes repris dans le dessin lui-même lesquels nous entraînent sur une piste pour nous laisser là en attente comme des archivistes, des paléontologues, des archéologues saisis d’une intuition devant une inscription aussi énigmatique que rare. Le latin ici employé renvoie à ces inscriptions sur champ de ruines, romaines peut-être, comme aussi bien à l’usage qu’en fait Cy Twombly ou Ian Hamilton Findlay dans un autre registre. Ce latin dit le temps avant toute chose et lorsque Pascal Quignard qui en tient aussi pour le latin note « qu’il erre autour des œuvres d’art quelque chose de non contemporain ou de désolidarisé où elles pensent et qui nous les rend sensibles au-delà du temps de leur réalisation », il désigne quelque chose qui ici aussi est à l’œuvre. Et c’est là que l’œuvre de Lestié tient son originalité profonde. Bien entendu, nombre de peintres ont utilisé ou utilisent l’écriture, les mots, que ce soient graffitis ou inscriptions, mais ici, ils jouent sur un registre bien particulier, à niveau égal avec le dessin donnant ainsi le tableau, le dessin à lire autant qu’à voir. Notons aussi une allure bien « française » à ce travail, par goût de l’écriture, du sens, de la pensée. Un dessin comme « de nihilo nihil » qui en forme de sablier inscrit des mots barrés en devenir de tas pyramidal illisible dit assez bien le destin de toute écriture, inscription et oubli dans une tension de deux cônes opposés qui en souligne la tension sinon le tragique. De même, cette pierre tombale intitulée « monument » bordée de deux traits fléchés sous une inscription effacée dit aussi la dérision du temps et la menace de l’oubli. Une trentaine de dessins donc, qui sont autant d’énigmes ou de rébus, à la fois dessins au crayon “neros”, exécutés avec la minutie et la perfection qui caractérisent l’art de Lestié et en même temps la légèreté virtuose d’un artiste qui joue avec les mots pour mieux nous inciter à entendre que l’art et la pensée sont « le même », que l’écriture et la peinture cheminent ensemble depuis toujours, au moins depuis les « pinxcit » des peintres de la renaissance. À sa façon, Lestié est un ancien qui se joue de la modernité et la renvoie à l’origine si comme le dit encore Quignard, « le langage est la seule résurrection pour ce qui a disparu», le dessin entre écriture et peinture est lui, le chaînon manquant de cette démonstration. Marc Bélit. (à propos de l'exposition au Parvis3, Centre Leclerc à Pau -novembre 2008) |
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